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Entoria entre dans une phase de reconquête et de croissance

Entoria entre dans une phase de reconquête et de croissance

Entretien de Fabrice Jollois dans la Tribune de l’assurance de Juin 2023 

Après avoir remis Entoria sur les rails, le dirigeant répond à La Tribune de l’assurance sur les épreuves traversées, la transformation opérée pour revenir aux fondamentaux du modèle grossiste, et fait part de ses ambitions et de sa stratégie pour la suite.

Quelle était votre feuille de route en rejoignant Entoria ?
Auparavant directeur général adjoint de Gan assurances et avant cela directeur stratégie chez Groupama, j’ai rejoint Entoria début 2021 pour transformer une entreprise qui rencontrait des difficultés passagères mais dont j’étais convaincu du potentiel. Il y avait un sujet de perte de confiance du réseau de distribution et des assureurs liée à la fois aux difficultés techniques causées par un produit
distribué entre 2017 et 2019, mais aussi liée à une qualité de service et de gestion qui n’était pas au rendez-vous. Plusieurs raisons à cela, notamment la mauvaise intégration d’Axelliance, acheté en 2018. L’écart était trop grand entre le modèle grossiste et monoligne de Ciprés et le modèle d’Axelliance, somme de multiples business units dont une bonne part en dommages et qui faisaient notamment de l’assurance directe. Le rapprochement n’a pas été bien géré et cela a conduit au départ de nombreux collaborateurs. Dès début 2021, nous avons repris la situation en main avec
le lancement d’un plan de transformation, qui s’est notamment traduit par un renouvellement du comité exécutif et de la moitié des effectifs.

En quoi consistait ce plan de transformation ?
Nous l’avons appelé « Back to basics » avec l’ambition de revenir aux fondamentaux de ce qu’est un courtier grossiste, se remettre à niveau vis-à-vis du réseau comme des assureurs et de faire la preuve de la qualité de notre travail. Nous avons recruté, formé, réorganisé pour au final assurer une bonne qualité de service aux courtiers, sécuriser ceux qui sont restés, continuer à développer nos affaires ensemble. Puis progressivement, aller à la conquête de nouveaux courtiers, essayer d’innover en termes de produit, de souscription, de qualité de service pour se distinguer de la concurrence.

Considérez-vous que ce plan soit achevé ?
Il est en passe de l’être tant auprès des porteurs de risques que des apporteurs. Nous nous étions fixé des objectifs et ils ont été remplis. Les courtiers recommencent à produire significativement
avec nous. Nous l’avons vu de façon très nette au dernier trimestre 2022, ce qui signifie qu’après la phase de consolidation nous entrons dans une phase de développement rapide. Sur l’année 2022, la production nouvelle progresse de 35 %, plus de 50 % en santé-prévoyance et 5 % en IARD. L’afflux d’affaires nouvelles est la preuve tangible que le plan fonctionne, d’autant qu’en 2023 la tendance s’accélère. Nous avons d’ailleurs décidé de rénover notre identité visuelle en mars dernier, pour porter le message que nous entrons dans une nouvelle phase de notre transformation, celle de la reconquête et de la croissance.

À combien s’est élevée la recapitalisation de 2021 ?
Notre actionnaire majoritaire (le fonds d’investissement Apax) a financé le plan de transformation à hauteur de 24 M€. Ce montant a notamment permis de renouveler la quasi-intégralité de notre gamme d’offres et de lancer la refonte de notre architecture IT.

Quel est désormais votre modèle d’affaires ?
Aujourd’hui, 100 % de nos activités sont intermédiées – nous ne faisons plus d’assurance directe – pour nous consacrer exclusivement à notre modèle de courtier grossiste sur lequel j’ai grande confiance. L’intermédiation par un tiers de confiance, agent général ou courtier, intégré dans les milieux professionnels, a de l’avenir et ne sera pas disrupté par le digital. Nous nous positionnons sur une gamme réduite de produits à forte technicité. Là où nous pouvons apporter de la valeur ajoutée aux courtiers.
Nous avons comme partenaires des assureurs et des réassureurs. En santé-prévoyance des TNS, nous travaillons avec Prépar-Vie, Prévoir et quatre réassureurs du top 10 mondial. Sur les collectives pour les TPE/PME, avec Apicil et Allianz, et en dommages, nous travaillons notamment avec Acheel et un réassureur du top 5 mondial en MRI et avec Wakam (La Parisienne) et Fidelidade (premier assureur portugais), significativement réassuré par un acteur de premier plan, en décennale. Nous apprécions la collaboration avec les réassureurs car ils nous permettent d’être réactifs lorsque nous devons faire évoluer un produit. Par ailleurs, ils ont une vision d’ensemble du marché mondial, ce qui nous apporte des éléments d’expertise forts.

Quel a été votre bilan 2022, sur quels marchés ?
Nous sommes présents sur le marché des TNS, dirigeants d’entreprise, TPE/PME, sur lequel nous adressons la santé-prévoyance et de l’IARD avec la construction et la multirisque immeuble (trois quarts construction, un quart MRI). En construction, nous ciblons l’entrée de gamme, une entreprise réalisant jusqu’à 1 M€ de CA, y compris les créations d’activité.
Nous avons réalisé 126,4 M€ de chiffre d’affaires en 2022 (+1,12 %), répartis à 70 % en assurance de personnes pour 87,5 M€ de revenus santé-prévoyance et 30 % en IARD à 38,9 M€. Cette apparente stabilité cache une croissance sur notre modèle grossiste et la cession de nos activités de courtage directe.
Les portefeuilles sont aujourd’hui à l’équilibre technique. Nous nous en assurons car nous devons avoir des assureurs et réassureurs qui nous font confiance et la meilleure façon pour cela est qu’ils soient bénéficiaires. Le soin que nous portons à la qualité technique d’un portefeuille est clé pour assurer la pérennité des partenariats d’Entoria.

Quelle est votre stratégie pour la suite ?
Pour les prochaines années, nous allons continuer à digitaliser tous nos processus, un investissement significatif de plusieurs millions d’euros. Des nouveaux parcours digitaux sont prévus cette année pour l’assurance de personnes et la multirisque immeuble. Nous sommes en train de finir de rénover notre gamme de produits et nous prévoyons de faire évoluer nos offres en construction. On souhaite les étendre à de nouveaux pans de marché mais toujours en partant du noyau dur de nos offres et de nos marchés cibles. En  assurance de personnes, nous réfléchissons également à mieux protéger nos dirigeants et TNS, en ajoutant des lignes business. Enfin, nous allons continuer à faire croître la taille de notre réseau, avec 9 000 codes ouverts aujourd’hui, en allant chercher de nouveaux partenaires. Cela se traduit par exemple par la mise en oeuvre de partenariats avec plusieurs syndicats d’agents généraux qui recherchent des solutions dans le cadre de leur activité de courtage accessoire.

Quel regard portez-vous sur la non-sélection médicale ?
C’est tentant de simplifier la souscription médicale car c’est un processus long et coûteux. Ne pas faire de sélection médicale peut fonctionner si tout le monde joue le jeu et qu’une juste répartition des mauvais risques existe entre opérateurs. Si vous êtes seul à proposer un produit de prévoyance sans sélection médicale, vous êtes sûr de déséquilibrer votre portefeuille. C’est ce qui s’est passé ici jusqu’en 2019. Progressivement, les agents et courtiers ne trouvant pas de solution pour certains clients finissaient par nous les adresser. C’était de l’antisélection qui n’a heureusement duré qu’un temps. Une fois le produit fermé, notre portefeuille a retrouvé progressivement l’équilibre. L’enjeu aujourd’hui pour le marché est de digitaliser la sélection médicale et de tirer partie des technologies mises en place par les réassureurs pour mieux apprécier les risques souscrits. C’est ce que nous allons faire cette année en prévoyance.

Vous êtes actifs en multirisque immeuble, est-ce un produit à forte valeur ajoutée pour Entoria ?
La gestion d’un portefeuille MRI n’est pas particulièrement complexe si l’on connaît bien le marché, que l’on a les bons experts technique, juridique et marketing. Quand on arrive sur un marché, il faut pouvoir apporter quelque chose en plus. Dans notre cas, satisfaire les courtiers en étant agiles et réactifs en proposant des produits mieux pensés que ceux de nos concurrents. Nous allons lancer à la rentrée un produit MRI où l’on tarifie à l’adresse, en utilisant les photos, les informations du cadastre, etc. En somme, nous nous appuyons sur l’open data. Nous facilitons ainsi la sélection du risque et faisons gagner du temps aux courtiers et agents généraux. C’est ce qui nous guide sur l’ensemble des parcours de souscription, faire simple tout en apportant de l’expertise. C’est un axe différenciant.

Comment animez-vous votre réseau d’apporteurs ?
Nous avons un réseau de 9 000 courtiers, le deuxième du marché, animé par une quarantaine d’inspecteurs spécialisés. Nous avons constitué un socle baptisé « Le Cercle », qui réunit nos 500 courtiers les plus importants en assurance de personnes, ceux sur lesquels la reconquête s’est appuyée. Ils réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires. Nous avons, mis en place des avantages et services pour les fidéliser et les encourager à travailler avec nous. On leur donne la possibilité de défendre leur portefeuille, d’accéder à nos experts, d’avoir une équipe de gestion dédiée. Nous avons bâti l’essentiel de notre stratégie sur leur confiance et nous devions recréer un lien de proximité avec eux. En parallèle, nous menons chaque année des enquêtes de satisfaction sur les produits, la gestion, l’extranet et l’inspection. La note issue de notre enquête de janvier 2023 est bonne (8/10) et en forte progression, avec plus de 1 000 courtiers participants. C’est un indicateur essentiel pour nous, qui détermine une part significative de la rémunération variable du comex par exemple. Le cap est clair pour les prochains mois, coller à notre proposition de valeur 100 % orientée courtiers : des parcours simples, une accessibilité en toutes circonstances et une expertise irréprochable.

 

Propos recueillis par Juliette Lerond-Dupuy et Stéphane Tufféry